L’église Notre-Dame de Royan, une œuvre d’art totale
Avec sa structure bétonnée, l’église Notre-Dame de Royan accroche le regard dès l’arrivée sur la station balnéaire. Que l’on arrive par la terre ou par la mer, on ne voit que Notre-Dame. Elle est ainsi visible de partout et n’affiche aucune fioriture. L’édifice est tellement imposant qu’il est souvent appelé à tort « cathédrale ».
Je la vois ! Qu’elle est belle ! Un grand vaisseau sombre se dresse au-dessus de cette exposition universelle qu’est le nouveau Royan : l’Église de Guillaume Gillet. Elle est fille de l’estuaire et de la mer, mais non à cette ville ni à ce peuple. On dirait que ce bâtiment de haut bord, aux noires voilures déchiquetées, a échoué là, et son pavillon est celui d’un pays inconnu. Cette église a beau être de béton, elle nous arrive pourtant du fond des siècles, elle participe de styles auxquels elle n’a rien emprunté.'
Durée de la vidéo : 1 minute 31
La reconstruction de Royan comme origine
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les bombardements alliés du 5 janvier 1945 détruisent notamment l‘ancienne église Notre-Dame (située à l’époque sur le site de l’actuelle place Charles De Gaulle). En 1953, le nouveau maire de la ville de Royan fera cette demande auprès de l’architecte Guillaume Gillet :
Je veux que Royan ne soit pas une ville couchée, mais une ville debout : redressez-la par la silhouette de l’église.'
Édifiée à partir de 1955 et bénie en 1958, l’église Notre-Dame de Royan symbolise la ville à nouveau droite et fière. Le monument en béton armé s’inscrit ainsi dans le mouvement général du renouveau de l’art sacré après les tristes évènements qu’a connu le monde dans les années 1940. On le considère aujourd’hui comme une prouesse et un chef-d’œuvre de l’architecture moderne.
Entre art et technique
Les 24 piliers en « V » (système Lafaille) alternent avec de grandes verrières verticales pour ceinturer l’ellipse de 50 mètres de long sur 30 mètres de large. Des voiles minces inclinées en pied viennent alors contrebuter ces éléments et assurent la couverture des bas-côtés. La toiture, dite « en selle de cheval », est tendue par deux arcs paraboliques affrontés. Elle coiffe l’église avec une épaisseur de seulement 8 cm. Le clocher se hisse à 56 mètres de hauteur.
À l’intérieur, la différence de hauteur entre l’entrée à l’ouest et le parvis à l’est participe à la grande théâtralité de Notre-Dame. La surprise est d’autant plus grande pour le visiteur que le spectacle architectural intérieur tranche avec la sobriété décorative de l’extérieur. Ici, tout est grand, tout est haut.
L’ensemble des verrières occupe 500 m2. Elles se composent à la fois de formes géométriques mais aussi abstraites. Le maître-verrier Henri-Martin Granel expérimente à Royan le procédé de verres blancs posés sur chant et enchâssés dans des joints de ciment liant les dalles de verre. Le vitrail prend alors des allures de sculpture de verre avec des effets de tridimensionnalité. Dans la coursive des bas-côtés, les vitraux en forme de losange illustrent d’abord le Chemin de Croix de façon stylisée et épurée. Derrière le maître-autel, le vitrail du chœur en forme de triangle est l’œuvre de Claude Idoux. Il utilise le cristal de Baccarat pour représenter l’Assomption de la Vierge.
Des restaurations nécessaires pour l’église Notre-Dame de Royan
Le chantier de construction n’a duré que 3 ans. Mais le béton armé, composé de cailloux, de sable, de ciment et d’acier, a une durée de vie dépendante de la qualité de ces éléments. Pour l’église Notre-Dame, le béton vient des sables de mauvaise qualité de l’estuaire de la Gironde auxquels s’ajoute le sel de la mer. Au fil des ans, l’édifice est victime de carbonatation du béton de surface. Des campagnes de restaurations doivent donc être menées régulièrement pour sauver l’état et l’aspect de Notre-Dame de Royan.
Le Grand Orgue de L’église Notre-Dame
En 1962, Royan demande à Robert Boisseau la construction d’un orgue pour son église. En tribune sur la façade ouest (au-dessus de l’entrée), il faut faire un tour sur soi-même pour l’admirer. L’œuvre est inaugurée en 1964 et achevée en 1984. Premier orgue « grand seize pieds » en étain martelé construit depuis le XVIIIe siècle, il est classé Monument Historique. Composé de 47 jeux et 3600 tuyaux, c’est l’instrument le plus imposant de Charente-Maritime. Les spécialistes le jugent comme un instrument exceptionnel.
L’orgue est très apprécié des Royannais lors des offices à Notre-Dame, mais aussi par les estivants pendant la saison culturelle. Certaines années, lors du festival « Un Violon sur le Sable » sur la plage de la Grande Conche de Royan, l’orgue de l’église Notre-Dame joue en duplex (liaison audio et vidéo en direct) avec l’orchestre symphonique pour le plus grand plaisir des 60 000 spectateurs.
L’héritage de Guillaume Gillet
Guillaume Gillet est le principal architecte de Notre-Dame de Royan. Il considérait l’édifice comme son chef-d’œuvre.
Quand le maire de Royan le contacte, ses souvenirs de vacances d’enfance à Pontaillac lui reviennent sans doute en mémoire. En 1946, il obtient le Premier Grand Prix d’Architecture de Rome. Ses convictions viennent notamment de l’enseignement qu’il a reçu à l’école des Beaux-Arts de Paris. Il tient à innover avec des matériaux nouveaux comme le béton armé. Suite à l’appel du maire de Royan, il s’associe donc à l’ingénieur Bernard Lafaille pour concevoir ensemble le futur projet de l’église Notre-Dame de Royan.
Guillaume Gillet propose dans son travail, un équilibre entre modernité assumée et tradition respectée. Pour lui, les solutions techniques commandent le style de la structure. Pour Notre-Dame de Royan, sa conviction de devoir construire un monument exceptionnel dirige ses choix : la puissance des formes, l’imposante hauteur, la tradition gothique des piliers et des verrières alternés…
Quand il présente son église à son ami François Mauriac en 1961, ce dernier lui dit : « Que votre père eût été heureux de voir cette église ! ». Il lui répond : « Il la voit… ».