L’artiste Picasso à Royan
Installé en France depuis 1904, l’artiste Picasso trouve refuge dans la station balnéaire de Royan en septembre 1939. Il redoute d’autant plus l’imminence de bombardements sur la capitale française. Le célèbre artiste espagnol reste un an à Royan, non sans y réaliser quelques œuvres majeures, exposées aujourd’hui à Paris et New York.
Une partie de l’exposition permanente du musée de Royan est consacrée au séjour de Picasso à Royan entre 1939 et 1940.
Il arrive ainsi sur la côte de beauté le 2 septembre, veille de la déclaration de guerre. Il est alors loin d’imaginer quel destin tragique attend sa ville d’accueil. Royan sera détruite par les bombes en 1945. Cet exil charentais n’est pas dû au hasard. En effet, Picasso rejoint sur place son ex-compagne Marie-Thérèse Waltier et leur fille Maya, âgée de 5 ans, installées dans la station depuis juillet 1939 afin d’y passer leurs « vacances ». Sa maîtresse Dora Maar, une photographe qu’il a rencontrée sur un plateau de cinéma en 1935, l’accompagne.
Après l’armistice du 22 juin 1940, la France tombe finalement sous la domination des nazis. Le lendemain, Picasso voit défiler sous ses fenêtres les soldats de la 44e division de la Wehrmacht, entrée dans Royan.
Le peintre andalou, qui a dénoncé, dans son œuvre la plus célèbre, la barbarie perpétrée par Franco et ses alliés allemands pendant la Guerre d’Espagne à Guernica (1937), ne se sent plus en sécurité en Charente-Maritime. Le 25 août 1940, il démonte donc ses chevalets et vide son atelier pour rentrer aux « greniers des Augustins » à Paris.
Plus de 700 œuvres réalisées par l’artiste à Royan
Pendant son séjour à Royan, l’artiste Picasso loge d’abord au premier étage de la Villa Gerbier de Jonc avec sa famille. L’édifice, aujourd’hui disparu, se situait à l’angle des boulevards Albert Ier et Franck-Lamy, non loin d’anciens abattoirs. C’est dans cette bâtisse qu’il installe son premier espace de travail. En journée, il loue à quelques mètres de là une chambre à l’Hôtel du Tigre, boulevard Clémenceau.
Villa Gerbier de Jonc
Le premier atelier de Picasso était situé au rez-de-chaussée, fenêtre à droite.
Dès l’hiver 1940, il prend à bail un nouvel atelier au troisième étage de la Villa Les Voiliers (démolie en 1945). Le lieu offre, pour toile de fond, une vue imprenable sur le port et s’ouvre sur le Café des Bains. L’artiste l’immortalise, cinq ans avant sa destruction, dans un tableau resté fameux (le restaurant La Siesta occupe aujourd’hui cette adresse). L’œuvre, qui représente un des rares paysages exécutés par le peintre espagnol, est exposée au musée Picasso à Paris. Elle aurait été achevée le 15 août 1940. Le même soir, l’Histoire dit que la balle d’une arme à feu a traversé l’appartement du deuxième étage des Voiliers, sous la chambre de Picasso. L’incident, qui braqua les projecteurs des autorités sur l’artiste, aurait accéléré sa décision de quitter la ville, neuf jours plus tard.
Immeuble “Les Voiliers“ avenue Thiers à Royan, situé à droite du Grand Hôtel.
Picasso y installa son atelier au dernier étage, au-dessus des fenêtres voûtées entre janvier et août 1940.
Une autre toile, « Une femme nue se coiffant » (juin 1940) restitue le portrait décomposé d’une baigneuse anonyme ou de Dora Maar elle-même. La photographe a effectivement capté sur pellicule son amant posant au pied de cette création dans sa chambre des Voiliers. Elle est aujourd’hui visible au Museum d’Art Moderne de New York. De son séjour d’un an, entrecoupé de quelques allers-retours à Paris au printemps 1940, Picasso a laissé huit cahiers de dessins, dont le célèbre « Carnet de Royan », édité de son vivant en 1948.
Émile Zola, l’invité prestigieux du Paradou
Chef de file du courant littéraire « naturaliste », Émile Zola est déjà un écrivain très célèbre lorsqu’il organise son premier séjour à Royan. En septembre 1886, il répond ainsi à l’invitation de son éditeur Georges Charpentier, locataire d’un petit chalet, baptisé « La Guadeloupe ».
À cette époque, l’auteur de 46 ans, reconnu pour ses romans à tonalité sociale, compte déjà quelques best-sellers à son actif :
- « L’Assommoir », son premier véritable triomphe en 1878
- « Au Bonheur des Dames » (1883)
- « Germinal » (1885)
Les vacances de zola à royan
À Royan, le père des Rougon-Macquart (série de romans écrits entre 1870 et 1893) est associé au Paradou. Cette demeure, construite par son ami Georges Charpentier dans ce qui deviendra le quartier du Parc, est un lieu de villégiature prisé de nombreux résidents de la « Haute Société ». La propriété s’inspire d’ailleurs du « Paradou » fictif décrit par Zola lui-même dans un précédent roman « La Faute de l’Abbé Mouret », 1875. Elle devient vite le cadre rêvé de nombreuses réceptions mondaines. De nombreux artistes et notables s’y rencontrent, séduits notamment par son grand jardin à la végétation luxuriante. Du 1er septembre au 10 octobre 1987, Zola y passe de nombreuses soirées, sans y loger pour autant. En quête de tranquillité, il loue à proximité le chalet Albert, devenu un peu plus tard la Villa Le Rêve. Cette dernière est notamment toujours visible au 58 boulevard Frédéric-Garnier.
Rebelote le 25 août 1888 : l’auteur et son épouse Alexandrine sont de retour, pour six semaines cette fois. Au programme : garden-parties au Paradou et excursions sur les bords de Seudre. Le couple parisien y déguste des huîtres en compagnie des Charpentier et du critique d’art Théodore Duret. Entre-temps, le couple profite de son nouveau pied-à-terre estival, la Villa Les Œillets. De nos jours, on trouve à son emplacement la Villa Les Arcades, boulevard Frédéric-Garnier.
Le Paradou de Zola est définitivement perdu. Inutile de partir à sa recherche.
Cette grande bâtisse, qui avait pourtant échappé aux bombardements de 1945, a fini par être démolie en 1958. Une petite résidence collective lui a succédée sur le boulevard Garnier et a repris son nom pour perpétuer son souvenir.
ces artistes peintres et dessinateurs inspirés par Royan
Odilon Redon
Bordelais d’origine, l’artiste Odilon Redon installe en 1897 son atelier près de Royan, à Saint-Georges de Didonne dans la Villa Goa. Il la surnomme « Villa Goya », clin d’œil à son célèbre homologue espagnol (mort en 1828 dans la ville où lui-même est né douze ans plus tard). Cette bâtisse est aujourd’hui l’Hôtel Le Printemps, avenue Eugène Pelletan. Ces passages répétés sur les bords de l’estuaire de Gironde marquent un virage dans la carrière de ce peintre symboliste. Inspiré par la lumière de la côte, Redon délaisse l’usage du noir au profit de compositions plus colorées. Jusqu’alors, cette couleur sombre dominait jusqu’ici son œuvre picturale. De ce renouveau créatif émergent des œuvres paysagères imprégnées d’images locales : « Rue à Saint-Georges », « Rochers de Royan », « Yacht à Royan »
Gaston Balande
Né en Espagne, Gaston Balande (1880-1971) passe sa prime jeunesse chez ses grands-parents. Ils tiennent un café-restaurant, à Saujon (l’établissement se trouve toujours place de la Gare). La légende dit qu’il s’initie au dessin en copiant, dans le grenier de ses tuteurs, les gravures aperçues sur les étals du marché du village. À l’âge de 19 ans, sa rencontre avec l’abbé de Royan, Alfred Coutureau, passionné de peinture, oriente son destin dans une direction décisive. Le religieux le présente à Henri-Joseph Harpignies, une figure de l’École de Barbizon en Ile-de-France. Ce soutien permet à Balande de se préparer au concours d’entrée de l’École nationale des Arts Décoratifs de Paris où il entre en 1901. Dix ans plus tard, un voyage en Espagne lui inspire « L’Asile des Vieillards à Tolède ». Ce tableau décore aujourd’hui la salle du Conseil municipal de la mairie de Saujon.
Nadu Marsaudon, un artiste surréaliste à Royan
L’empreinte de Nadu Marsaudon, « surréaliste » génial et touche-à-tout, est visible un peu partout dans la station balnéaire de Royan. Natif de Royan (1933), cet artiste peintre, graphiste et dessinateur à l’imaginaire débordant a créé l’affiche du restaurant Le Tiki à Royan. Il a également sculpté le totem de style polynésien qui trône encore sur le toit de l’établissement. À Saint-Palais-sur-Mer, il est le père de la baigneuse à la longue chevelure rouge, mascotte du restaurant Nausicaa. Il réalise aussi la façade orientalisante de la discothèque Le Rancho. Marsaudon signe les fresques, les rochers et le logotype du zoo de La Palmyre ainsi que la statue de Sainte-Thérèse de Lisieux installée dans l’église Notre-Dame de Royan depuis l’inauguration du monument en 1958. L’artiste avait taillé la sculpture dans un bloc de calcaire dès 1951, à l’âge de 18 ans seulement.