Le tourisme balnéaire, héritage des bains de mer
La mode des bains de mer est un phénomène apparu en France au XIXe siècle à la faveur d’une tendance alors très en vogue au sein des élites. L’océan et l’air marin sont bons pour le corps et l’esprit ! Les stations balnéaires accueillent leurs premiers visiteurs, venus profiter des bienfaits de la balnéothérapie sur les plages.
Difficile de s’imaginer à quoi ressemblaient les pionniers du tourisme en bord de mer : pas de bikini pour les femmes, ni de slip de bain pour les hommes. Au milieu du XIXe siècle, la chemise à manche longue, le corset, le pantalon bouffant et la charlotte fichée sur le crâne sont les tenues de rigueur imposées à quiconque veut faire trempette.
À Royan, l’usage de petites cabanes pour les bains de mer se démocratise avec l’installation d’une douzaine de cabines roulantes sur la plage de la Grande Conche. Les baigneurs, pudiques, ont besoin d’un espace entre l’intime et le public afin de se changer à l’abri des regards. Les cabines se développent ainsi au fil du temps sur nos plages.
Jusque dans les années 50, la décence est de rigueur. En 1934, un arrêté municipal interdit même de se baigner ou de s’exposer sur la plage sans être vêtu d’un costume ou maillot complet. Le but est de couper court à la mode frémissante du deux-pièces.
La mode des bains de mer, une invention anglaise
À cette période encore marquée par la crise, le tourisme balnéaire de loisir et de plaisir a définitivement supplanté le concept originel. En effet, à l’origine, les bains de mer ont pour objectif la recherche exclusive du bien-être à visée curative.
La pratique part d’Angleterre, de la région du Sussex (sud-est de l’île), vers 1750. Un médecin devenu célèbre, Richard Russel, envoie des patients se baigner dans les eaux salées d’un petit port de pêche – Brighton – afin de se soigner par hydrothérapie. Ces prescriptions thérapeutiques finissent par attirer les riches en pleine santé, la crème de la bourgeoisie et l’aristocratie londonienne. Ainsi, dès 1770, Brighton se transforme rapidement en une destination élégante dont le luxe et le statut atteignent leur apogée.
Les théories très populaires de Russell se répandent en France comme une trainée de poudre. On voit alors émerger un enthousiasme empreint d’un esprit tout british pour les bains de mer. Par un effet domino au processus lent et progressif, cet engouement saisit d’abord certaines petites villes côtières de Normandie, suivies par celles de la façade Atlantique, en particulier en Charente-Maritime.
Royan attire les Bordelais en bord de mer
À Royan, les premiers baigneurs arrivent après le règne de Napoléon Ier, autour de 1816, lorsque la paix est de retour en Europe. Là aussi, il s’agit d’une clientèle très aisée, essentiellement bordelaise, qui profite d’une liaison par bateau à vapeur mise en place dès 1820 entre la capitale girondine et la « nouvelle » station charentaise. Ce phénomène inédit surprend d’abord les locaux et les bouscule dans leurs habitudes et traditions bien ancrées.
Le contraste entre les gens du cru, sédentaires, et cette population huppée, itinérante, prête à se jeter à l’eau pour des motifs autres que le labeur, est frappant. Cette cohabitation parfois difficile pousse les élus de la commune à règlementer la fréquentation des plages. En 1819, un arrêté interdit à ces estivants de s’exhiber et de nager nus dans la partie de la Grande Conche bordée par le port et les maisons.
D’abord résiduel, ce tourisme balnéaire monte en puissance à mesure que les transports ferroviaires se développent. Le train arrive à Royan en 1875. Un service de tramway reliant les quartiers balnéaires au centre-ville le complète en 1895. Entre-temps, la commune se dote d’infrastructures et d’équipements pour offrir confort et loisirs à ces estivants prestigieux. Le front de mer est rénové dès 1845 et un boulevard aménagé le long de la plage. Le premier casino de Foncillon, créé vers 1845, est équipé de « Néothermes ». Cette initiative est d’ailleurs suivie en 1872 par le docteur Auguste Guillon. Il fait creuser sur le rocher du Bec-des-Brandes à Pontaillac plusieurs bassins à ciel ouvert. Ces baignoires taillées dans la falaise sont encore visibles aujourd’hui, le long du boulevard de la Côte d’Argent.
La mer renforce le système immunitaire
En 1900, la mode des bains de mer se résume encore à des considérations thérapeutiques et hygiénistes. D’ailleurs, pas grand monde ne sait véritablement nager. On barbote plutôt. Et, selon les prescriptions du médecin, on s’immerge la tête dans l’eau froide ou on affronte la vague. La curiosité de ce temps, ce sont les « bathing machines ». Ces pseudo roulottes tirées par des chevaux emmènent les baigneurs en tenue légère jusqu’à la lisière de l’océan.
Après la Première Guerre mondiale, à mesure que le corps se libère, on se jette à la baille davantage par plaisir que pour se soigner. Le tourisme s’intensifie : de nouveaux hôtels à Royan voient le jour, d’autres s’agrandissent. La station balnéaire se transforme pour répondre à cet afflux de visiteurs. Les plages de Pontaillac et du Chay s’équipent à leur tour de cabines de bain. Les vertus relaxantes de l’eau de mer et sa capacité à renforcer les défenses immunitaires sont exploitées au sein d’établissements spécialisés dans la thalassothérapie.