Zola, Picasso, Guitry… Le patrimoine de pierre qui a survécu aux bombardements de 1945 se confond avec le souvenir sépia de ces grands personnages de la culture française et internationale. Ils sont les visiteurs de la station balnéaire depuis les prémices de la Belle Époque (1870). On vous invite à découvrir l’histoire des villas Belle Époque.
À Royan, comme un air de Belle Époque
Crieurs de journaux, attelages parcourant les chemins rocailleux, tintement de la clochette au passage du tramway, buveurs d’absinthe en terrasse… Autant de clichés reflètent ainsi l’esprit et le souffle d’une ère paisible et insouciante avant la guerre de 14-18. Royan goûte aux fruits de cette « Belle Époque » lorsque la mode des bains de mer, venue d’Outre-Manche, élève progressivement ce petit village de pêcheurs et d’agriculteurs au rang de station balnéaire. L’élite bordelaise puis le Tout Paris s’empare du train pour se transporter jusqu’à la station balnéaire.
La ville est connectée au réseau national du chemin de fer dès 1875. Elle est desservie localement par un tramway depuis 1890. Royan développe alors une infrastructure et une offre de loisirs en phase avec cette nouvelle économie touristique. La ville se couvre de casinos. Des cinq établissements qui s’y établirent entre 1843 et 1960, un seul subsiste aujourd’hui. L’ancien Sporting, sur la plage de Pontaillac, est ainsi édifié, au seuil des années 1930, dos à la mer. Le nouvel endroit est donc bâti dans un écrin bétonné de style « art-déco ». Il voit défiler après-guerre la crème du showbizz français (Bécaud, Montand, Aznavour, Brel, Ferré et Brassens…).
un paysage bouleversé
Les derniers bombardements de 1945 réduisent en poussières l’architecture de la « Belle Époque » et des « Années Folles ». Quelques éléments restent préservés comme l’ancienne école Jules-Ferry (1907), le collège Émile Zola (1904) et l’ex-Hôtel du Golf à Pontaillac. Le noyau central de ce palace de luxe devenu résidence, un quadrilatère ceint de quatre tours d’angle surmontées d’un dôme en ardoise, correspond à la villa initiale de Jean Lacaze (1856). Le quartier de Pontaillac reste, avec celui du Parc et de l’Oasis (à l’est de la commune de Royan), la seule zone épargnée par l’intense et violent épilogue aérien du dernier conflit mondial. Environ 250 des 4 000 villas balnéaires recensées avant-guerre ont échappé à la destruction. Ces villas, caractéristiques d’une triple influence stylistique (chalet, castel ou cottage), jalonnent le boulevard Frédéric-Garnier, en bordure de la Grande Conche.
Les célébrités trouvent refuge dans les villas « Belle Époque »
Aujourd’hui, plus de 200 demeures sont les rescapées d’un temps révolu. Elles s’associent notamment pour certaines d’entre-elles avec des grands noms de la culture venus y chercher une parcelle d’inspiration. Émile Zola est invité par son éditeur qui se fait construire une vaste maison au Parc (le futur « Paradou » démoli en 1978). Il fait plusieurs séjours dans le quartier entre 1886 et 1888. Après un séjour à Saint-Palais-sur-Mer, l’auteur loue le Chalet Albert (aujourd’hui Villa « Le Rêve », au n°58 du boulevard Frédéric Garnier). Il s’installe, lors de son ultime villégiature à Royan, dans la villa Les Œillets (devenue Villa « Les Arcades » au n°52 de ce même boulevard).
Quarante ans plus tard, le dramaturge Sacha Guitry, se prend d’amour pour la station charentaise où il passe plusieurs étés. À partir de 1926, il pose ses valises à la Villa Rose Rouge, construite six ans plus tôt (au n°38). Il se retrouve régulièrement chez son voisin du 100, le photographe Jacques-Henri Lartigue, logé pour deux saisons à la célèbre villa Aigue-Marine dont le surnom « Chambord-sur-Mer » illustre à lui seul la dimension et le prestige architecturaux.
quelques villas “belle époque”
Guitry, Printemps et Lartigue ont un autre ami en commun : Pablo Picasso, qu’ils croisent et fréquentent régulièrement à Royan. Le peintre espagnol, qui vient de terminer son chef d’œuvre « Guernica » (1937) trouve refuge dans la station balnéaire, à la veille de la déclaration de guerre, le 2 septembre 1939. Il s’installe à l’Hôtel du Tigre (l’enseigne existe toujours au 14 boulevard Clémenceau dans une bâtisse totalement refaite), puis à la villa Gerbier de Jonc (édifice disparu, boulevard Albert Ier) et finit par louer, à partir de 1940, un atelier situé au troisième étage de la Villa Les Voiliers (au-dessus du port). Ce dernier se situe à deux pas du Café des Bains qu’il immortalise, cinq avant sa destruction, dans un tableau célèbre (le restaurant La Siesta occupe aujourd’hui cet emplacement).
À voir également, dans le même secteur, l’étonnante Villa Kosiki (1885). La devanture, parée d’une terrasse de style oriental figurant une pagode japonaise, est l’une des grandes curiosités du patrimoine royannais. Les visites guidées de Royan permettent d’en apprendre davantage sur cette période faste pour la ville et de découvrir ses villas remarquables.