Deux chevauchées aériennes réduisent la station balnéaire à néant. Menées par les alliés en janvier puis en avril 1945, les campagnes de bombardements visent à déloger l’ennemi de la « poche de Royan ». Cet îlot de résistance formait l’un des principaux « verrous » du littoral Atlantique, fermement tenu par les nazis.
Une averse de bombes s’abat sur Royan en 1945
Le destin de Royan était-il scellé dès l’hiver 1944 ? Au moment où la débâcle se profile pour la Wehrmacht sur le front russe, une directive d’Hitler promulguée le 19 janvier anticipe un débarquement allié en Europe de l’ouest. Pour décourager l’éventualité d’une invasion organisée depuis la Grande Bretagne, on établit une liste de ports à défendre. La station charentaise est l’une de ces « Festungen » (forteresses) avec La Rochelle, Brest ou Saint-Nazaire. Le Führer ordonne de tenir coûte que coûte afin de contrecarrer la progression des forces alliées dans la France occupée.
Ces secteurs côtiers stratégiques tiennent aussi lieu de zones de repli pour les soldats du IIIe Reich au cœur du Mur de l’Atlantique. Pour les troupes débarquées le 6 juin 1944 en Normandie, ils forment jusqu’à la fin du conflit en Europe des poches de résistance très dures. Ces poches sont autant d’obstacles meurtriers sur le long chemin de la Libération. Beaucoup d’entre-elles, comme Dunkerque ou Lorient, ne tomberont qu’à la faveur de la capitulation allemande, signée le 8 mai 1945. Un siège de plusieurs mois permet de reprendre Royan trois semaines auparavant, le 17 avril. De lourds bombardements sur Royan dont deux raids aériens éventrent finalement la ville et font de nombreuses victimes.
Le Bombardement de Royan du 5 janvier 1945
À elle seule, l’opération menée le 5 janvier 1945 fait 500 morts et quelque 1 000 blessés parmi les civils encore présents dans la commune. Elle se déroule par une nuit glaciale de presque -10 C°. Des flocons de neige épars volettent dans les halos surpuissants des fusées éclairantes, rouges et vertes. Au-dessus de l’objectif, le vrombissement d’une flotte de 340 Lancasters bat pavillon anglais (Royal Air Force). Elle écrase en deux vagues successives, à 4h10 et 5h20, un déluge de 1 600 tonnes de bombes explosives.
Royan, à terre
Au sol, le souffle infernal des bombardements anéantit le cœur de Royan. En moins d’une heure, il fait table rase d’une époque insouciante née des promesses du tourisme balnéaire.
5 000 maisons tombent en cendres, les commerces et les monuments publics sont dévastés à plus de 80%.
De l’église Notre-Dame, érigée moins d’un siècle plus tôt (sur le site de l’actuelle place Charles-de-Gaulle) ne subsiste qu’un amas de pierres carbonisées duquel émergent des pans de façades décharnées où se détache encore la brisure des arcs néo-gothiques, vidés de leurs portes monumentales et de leurs vitraux. Un comble : dans ce paysage de poussières et de gravats, seules les fortifications allemandes ont échappé à la destruction totale.
Une intervention terrestre dite « Indépendance » menée par les Forces Françaises de l’Ouest du général Edgard de Larminat devait suivre cette attaque aérienne. Elle fut finalement reportée. Sur place, la première urgence consiste dans un premier temps à sauver les blessés. Puis, on doit fournir un logis à ceux qui n’ont plus de toit. Avec l’accord des occupants, on orgnaise un dispositif de premiers secours et de soins à la clinique Sainte-Marthe à Pontaillac. Ensuite, on transfère les patients dans un établissement intact de Saint-Palais-sur-Mer. Les rescapés se voient offrir un hébergement à Royan. On met en place des centres d’accueil à La Roche, au Maine-Geoffroy et à Saint-Georges-de-Didonne.
Durant les trois mois qui suivent, la « Perle de l’Atlantique » devient ville fantôme. Seuls les quartiers de Pontaillac et Le Parc comptent encore des habitants. Le jour, des groupes de familles indemnes relogées en périphérie regagnent ponctuellement la commune-centre afin d’y retrouver des objets personnels dispersés dans les décombres.
Royan, sous les bombardements des alliés
Le commandement allemand, qui tient toujours la « poche » au printemps, s’attend à une nouvelle attaque des alliés. Celle-ci, baptisée « Vénérable », est programmée pour le 14 avril et doit être décisive. Les états-majors déploient les grands moyens. 30 000 hommes sont à la disposition de Larminat. Une formation de 200 chars de la 2e Division Blindée du général Leclerc et 250 canons fournis par les FFI et les États-Unis viennent en soutien. Enfin, une flotte navale de 25 cuirassés chargés de sécuriser l’estuaire de la Gironde complète ce gros dispositif.
Le jour dit, les B17 et B24 de la 8e Air Force conduite par le général américain Doyle larguent 3 200 tonnes d’obus. Le lendemain, le pilonnage reprend sous l’égide d’une armada de 1 350 avions. Ils déversent, en plus des explosifs, 725 000 litres de napalm, un nouveau produit inflammable composé d’essence gélifiée. Cette arme, qui sera employée massivement dans les conflits à venir (notamment en Indochine, avant son interdiction en 1980 par l’ONU) a déjà été expérimentée en août 1944 lors de la reprise de Saint-Malo (bombardement de la petite île de Cézembre).
Le mardi 17 avril, les troupes alliées pénètrent dans la ville en ruines. De brefs échanges de feu ont lieu autour du quartier général allemand (au Golf-Hôtel). Après cela, le contre-amiral Michaelles, réfugié dans son blockhaus, accepte de se rendre.
Il est 12h45 : Royan, à terre, est officiellement libérée de l’emprise nazie.