Découvrir les carrelets autour de Royan
Au soleil couchant, leur silhouette vaguement biscornue se détache sur l’horizon de la mer. Deux, trois, quatre rangées de pilotis surmontés d’une passerelle rejoignent une petite bâtisse prolongée d’un filet quadrangulaire tendu dans le vide. Ces carrelets constituent un élément typique de la carte postale charentaise. La Charente-Maritime en compte près de 400 disséminés, parfois à flanc de falaises, sur l’étendue de son littoral.
Dans le périmètre du pays royannais, ils sont visibles, par grappes ou isolés sur la rive :
- à Meschers-sur-Gironde : sur le port, depuis la plage des Vergnes, au nord et au sud de la conche de Cadet, le long de la Corniche ;
- sur la pointe de Suzac, à Saint-Georges-de-Didonne ;
- à Vaux-sur-Mer, sur la conche de Gilet, falaise nord de Pontaillac ;
- le long des corniches de Terre-Nègre et des Perrières, au Pont du Diable face au phare de Cordouan, à la conche du Concié ou au puits de l’Auture à Saint-Palais-sur-Mer ;
- et à Royan même : à la pointe du Chay, sur les rochers du Pigeonnier ou de Pontaillac.
Les Carrelets : le rêve du pêcheur
Le carrelet désigne indifféremment les « pontons », leurs cabanes et leurs filets qui vont et viennent. Mais il fait aussi référence à une méthode de pêche vieille de plusieurs siècles. Simple, longtemps libre, la pêche au carrelet demeure moins dangereuse que la pêche en haute mer. Elle se résume, de surcroît, à l’emploi d’un matériel rudimentaire, accessible à tout le monde. Il suffit de se munir d’un carré de filet maintenu par deux arceaux (le carrelet proprement-dit), le tout complété d’une corde et d’une perche en bois en guise de support.
Au tournant du XXe siècle, la mode des bains de mer, encore naissante, redonne une seconde vie au carrelet. Elle en modifie ainsi les codes. Un public plus riche assimile le genre à une activité de loisir. Son exercice tend à se sédentariser en des postes fixes. Des notables en financent l’installation tout en conservant la propriété pour leurs vacances en Charente-Maritime. À Royan, vers 1900, les premiers pontons non abrités apparaissent sur les rives de Pontaillac. Ils servent de toile de fond aux cartes postales éditées sur place. D’autres photographies, prises à la même période, montrent qu’au cœur de la station, des mâts provisoires s’alignaient, chaque printemps, sur le quai de Foncillon (aujourd’hui façade de Foncillon devant le Palais des Congrès). Vingt ans plus tard, des ouvrages en bois affleurent toujours sur le rebord des conches de Pontaillac et du Pigeonnier.
une mode dans les années 50
Dans les décennies qui suivent, des carrelets plus élaborés commencent à s’installer dans le panorama de la côte de beauté. Ils sont flanqués de cabanons temporaires, proches des structures que l’on rencontre aujourd’hui là où la marée montante aborde les corniches rocheuses et les « trous » des hautes falaises de calcaire, à Meschers-sur-Gironde notamment. Ce contact direct avec l’océan permet de raccourcir la longueur des « estacades » qui mènent, depuis la côte, aux « abris en bois » d’où les pêcheurs appareillent leur filet.
Le phénomène prend une tout autre ampleur après la Seconde Guerre mondiale, surtout dans les années 1950. Les emplacements et les projets d’auto-constructions se multiplient alors autour de Royan. La plupart des installations pérennes, inscrites dans le paysage actuel, remonte à cette époque. En effet, les congés payés s’allongent (3e semaine), le niveau de vie augmente et les vacances en bord de mer se démocratisent. Les carrelets, montés sur des troncs d’acacia ou des poteaux récupérés auprès d’EDF, deviennent finalement des petites résidences secondaires où la pêche se pratique pour le plaisir.